Rencontre avec l’artiste le jeudi 16 janvier après la représentation
En 2020, un jeune homme blanc de 21 ans a déclenché une fusillade dans deux spas et un salon de massage à Atlanta, tuant huit personnes, dont six femmes originaires d’Asie de l’Est. L’auteur des faits, Robert Long, a déclaré à la police qu’il était motivé par une dépendance sexuelle en contradiction avec son christianisme, pour laquelle il avait passé du temps dans une clinique de traitement évangélique, et qu’il avait ciblé des établissements où il avait déjà payé pour des relations sexuelles.
Il ne considérait pas les corps de ces femmes d’Asie de l’Est comme des êtres humains, mais comme des lieux de contestation morale à éradiquer. Ce moment m’a fait prendre conscience que je vivais encore dans un monde où les corps des femmes d’Asie de l’Est sont réduits à de simples objets, sans voix, sans subjectivité et, ce qui est effrayant, sans conséquence pour leurs meurtres brutaux.
Ma demande, avec Unforgettable Girl, est que le public majoritairement blanc du théâtre grand public qui vient voir la pièce perçoive un corps anonyme de couleur comme psychologiquement réel, et non comme un objet ou une pièce de fiction – comme un Soi et non comme un Autre. Pour parvenir à cette complexité, le personnage de Vaccine oscille entre le clown sombre (l’intention de ses actions physiques exprime l’humanité sous la torture et la contrainte) et le bouffon (lorsqu’elle, selon les mots d’un journaliste de ThreeWeeks, « écorche le public typique de la classe moyenne du Fringe »).
Les « déformations » physiques et les « prothèses » de Vaccine ne sont peut-être pas typiques d’un bouffon dans la tradition européenne contemporaine – son grotesque réside principalement dans son altérité en tant que corps de couleur hypersexualisé et hyperobjectivé. Je m’adresse directement au public britannique majoritairement blanc et l’interroge sur son propre regard extérieur et son identité intérieure. La pièce peut être considérée comme un long entretien performatif verbal et non verbal avec le public, au cours duquel ses réponses continuent de se déployer et d’évoluer. Tout au long de mon expérience de la pièce, j’ai vu des visages passer de la gêne à l’allégresse, à la curiosité, à l’embarras à gorge déployée et à l’horreur. Les actions grotesques du bouffon évoquent constamment des contradictions – entre comédie et tragédie, entre rire et horreur, entre destruction mortelle et joie de vivre.
5 Quai du Général Koenig 67000 Strasbourg
de 6 à 28 euros